Natif de Bassin, en 1940, Rosaire Vigneault est le fils de Jonhny à Grégoire Vigneault et de Yvonne à Albanie Lapierre. Il a une sœur (Lucille) du premier mariage de son père. Rosaire aura encore sept autres frères et soeurs. Très tôt sa famille quitte les Iles pour s'établir à Jonquière où Rosaire fait ses études primaires, secondaires et ses premières années du cours classique.
Par le biais de Chantal Naud qui a publié un hommage lors de son décès, nous en savons un peu plus sur son enfance et son intérêt pour le théâtre, la musique classique, le dessin et tous les arts en général. Animateur de terrains de jeux, il manie la caméra et transforme ses jeunes soeurs... et le chat en comédiens. Après ses études au collège de Jonquière, il revient aux Îles et enseigne au Collège St-Pierre. Il a épousé Anita Blaquière, fille d’Andrée Blaquière de Lavernière.
Pendant l’été 1965, il tourne un premier film intitulé «Le petit Madelinot». C’est le premier film tourné aux Îles par un Madelinot et on y retrouve comme comédiens Diane Chevrier et Roger Vigneault, aujourd’hui décédé. Le film raconte l’histoire d’un homme qui se croit coupable de la mort de son père, disparu dans un naufrage. On trouve aussi un film "Sortilège" dans ce qui semble ses réalisations, mais nous n'en savons pas beaucoup là-dessus.
En 1966, l’école régionale de Lavernière ouvre ses portes.Rosaire Vigneault a filmé cet événement. Il se voit offrir un poste en tant que professeur d’art plastique auprès des jeunes, et aux adultes en cours du soir. De même, il offre du perfectionnement aux enseignants. Durant l’année 1966-1967, il fonde l'école de jeunes cinéastes des Îles et tourne un premier long métrage «Le Médaillon de la Reine» (histoire de cape et d’épées) pour lequel il n'est pas satisfait, y décelant des lacunes évidentes, mais sans se douter que cette démarche a pu initier une vocation artistique chez plusieurs. Ce tournage marque en effet la mémoire de plusieurs Madelinots qui y ont pris part en tant qu'acteurs, figurants ou techniciens dans le cadre de leur formation au secondaire.
L’année 1969 lui fera connaître le succès, grâce à la pièce de théâtre Évangéline montée en collaboration avec Sr Rose-Délima Gaudet pour les textes et Marie-Thérèse Laurier pour les chorégraphies. L’année suivante sera consacrée au tournage de « Les perles du Golfe» et à la réalisation d’un mois culturel aux Îles. Cette idée germée par un petit groupe d'enseignants réunis à l'atelier de Rosaire, obtint instantanément son intérêt. Mais juste avant d'enclencher ces festivals culturels annuels, il réalisera le film Autour du Ponchon, commémorant cet événement important pour l'histoire des communications aux Îles. Réalisé de novembre 1969 à décembre 1970, ce film d'une durée d'une heure fut diffusé les 4, 5 et 6 mai 1971 à l'auditorium de la Polyvalente des Îles après une première projection le 14 décembre 1970 au Centre culturel de Havre-Aubert.
Devenu une véritable tradition, pendant deux décennies, ce mois culturel verra défiler un bon nombre de pièces de théâtre. Le feuillet de présentation du mois témoigne de la qualité des événements. En l'espace de 12 ans seulement, plus de 50 pièces de théâtre ont tenu l'affiche, une vingtaine de concerts, spectacles de chorale, de danse, et six expositions furent réalisées! Ainsi, des troupes de folklore, école de ballet, troupes de théâtre composées d'étudiants et de professeurs, chorale et harmonie des Îles, des chanteurs et musiciens, ont pu voir leurs prestations figées sur pellicule ou bandes sonores, sur diapositives et photographies grâce à la formation et le dynamisme infusé par cet homme-orchestre de la culture.
Le professionnalisme de Rosaire Vigneault et son amour de la culture et du patrimoine lui ont fait consacrer toute sa vie à leur développement. En plus de ses activités théâtrales et cinématographiques, Rosaire Vigneault se met, dans les années 80, à la fabrication de la tapisserie aux points noués. Préférant l’allégorie au réalisme, il produira d’immenses fresques dont on peut voir un bel exemple à l’église de Havre-Aubert, au dessus du maître-autel, ainsi qu'un autre dans les locaux de la Corporation culturelle Arrimage. L'une d'elle a orné longtemps le dessus d’une porte au Musée de la Mer.
Au début des années 1980, Rosaire se tourne vers la télévision. Avec la complicité du câblodistributeur Paul Duclos, il réalise un nombre impressionnant d’heures d’émissions sur des sujets plus que variés. On peut dire qu'il fut le promoteur et l'instigateur de la première télévision communautaire. Il participera à toutes ces réalisations tout en continuant à enseigner à la Polyvalente des Îles, des cours d'arts dramatiques.
Lors de la réalisation des dernières émissions du Sac d'école réalisées en collaboration à Chantal Naud pour les textes, il apprend être gravement atteint d'un cancer. Il doit abandonner son atelier, rentrer à la maison où, malgré le cancer qui le ronge, il découvrira d'autres passions comme le jardinage et l'informatique... Il survivra quelques mois au décès, le 1er décembre 1989, de son épouse Anita Blaquière qui le soignait d'un inlassable dévouement. Il sera hospitalisé quelques jours et s'éteindra à l’âge de 49 ans, le 5 mars 1990, au son de la musique classique qu'il avait fait transporter dans sa chambre d'hôpital.
Le 20 mars 1990, Achille Hubert, rédacteur du Radar, Carmen Landry, directrice du Musée de la mer et plusieurs amis et collègues lui témoignent un vibrant hommage dans ce journal hebdomadaire. On mentionne comment il a été " la source de la réalité culturelle des Îles " et un homme à l'esprit universel.
« Sa vie fut courte mais une chose certaine, elle fut bien remplie, comme celle d'un homme ayant vécu centenaire.»--Achille Hubert
« [Il] a montré aux gens des Iles leurs vraies couleurs: "Si on vaut pas une risée..." »Carmen Landry
On pourrait tant écrire, mais il faut lire les témoignages de cette édition du Radar du 20 mars 1990 pour avoir un portrait plus sensible. En 1993, en mémoire de ce grand personnage de la culture aux Îles, la corporation culturelle Arrimage a créé le prix Rosaire Vigneault, visant à reconnaître des activités culturelles marquantes aux Îles-de-la-Madeleine.
Au printemps 2015, le contrat de donation des archives est signé par sa succession avec le Centre d'archives régional des Îles qui, en plus de se voir prêter plusieurs de ses équipements de cinématographie, plaques hommage et artéfacts en vue d'une exposition à venir, peut enfin remplir les droits exigés pour voir le fonds admis dans des programmes de subventions au traitement.
Au fur et à mesure de leur publication, vous trouverez en hyperliens de plus en plus de détails sur les différents tournages, pièces de théâtre et réalisation de sa trop courte vie.
Références:
Fonds AP9- Rosaire Vigneault
Collection Chantal Naud - Écho du Musée de la Mer, vol 17 no 3, mars 1992
Fonds et collections du Centre d'archives régional des Îles :
Journal le Madelinot:
24 février 1966
20 mars 1967
17 avril 1967
30 novembre 1970
Journal Le Radar:
20 mars 1990 pages 5 et 14